#PLIB2020 : Dans l’ombre de Paris, T.1 de Morgan of Glencoe

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Quatrième de couverture : 

Depuis des siècles, les humains traitent les fées, dont ils redoutent les pouvoirs, comme des animaux dangereux. Lorsque la princesse Yuri reçoit ,une lettre de son père lui enjoignant de quitter le Japon pour le rejoindre, elle s’empresse d’obéir. Mais à son arrivée, elle découvre avec stupeur qu’elle a été promise à l’héritier du trône de France ! Dès lors, sa vie semble toute tracée… jusqu’à ce qu’une femme lui propose un choix : rester et devenir ce que la société attend d’elle ou partir avec cette seule promesse : « on vous trouvera, et on vous aidera. » Et si ce « on » était la dernière personne que Yuri pouvait imaginer ?

Editeur : ActuSF, collection Naos

Nombre de pages : 435

Prix : 17,90€

Date de publication : 20 septembre 2019

#ISBN9782366294750

Mon Avis :

Dans l’ombre de Paris fait partie de la Rentrée littéraire d’ActuSF et je remercie Jérôme Vincent et Gaëlle Giroulet de me l’avoir envoyé. Si la jolie couverture de Benjamin Zariel Chaignon a attiré mon regard, c’est surtout la quatrième de couverture qui a attisé ma curiosité. Et je ne me suis pas trompée car j’ai beaucoup apprécié ma lecture.

La Princesse japonaise Yuri a treize ans lorsqu’elle rencontre pour la première fois des fées. En effet, lors d’un voyage à Paris avec son père qui est Ambassadeur du Japon, elle assiste à un combat dans lequel une fée Selkie l’emporte contre son homologue Aeling. Considérées comme des animaux, les fées n’ont pas de droits au sein de la Triade et sont exploitées sans vergogne par les Humains.
Sept ans plus tard, Yuri, restée au Japon, n’a pas revu son père. Alors quand ce dernier lui demande de le rejoindre en France, elle n’hésite pas une seconde. Mais son voyage en train s’avère semé d’embûches car elle est victime d’une tentative d’empoisonnement ; elle ne doit sa survie qu’au médecin fée de l’Orient Express. Sitôt arrivée en France, elle a la mauvaise surprise d’apprendre que son père a arrangé son mariage avec le Dauphin du Royaume de France, Louis-Philippe. Si le jeune homme est un beau parti, Yuri n’en est pas du tout amoureuse et refuse que sa vie soit toute tracée à vingt ans. Aidée par la Reine de France, la jeune femme décide de s’enfuir et trouve refuge dans un endroit improbable…

Une uchronie…

Si le récit se déroule en 1995 de notre calendrier, cet univers uchronique présente une Histoire complètement différente de la nôtre. En effet, le point de divergence se situe aux alentours de la fin du XVIIIème siècle puisque la Révolution française n’a  pas eu lieu. Au contraire, la Monarchie s’est maintenue tout au long du XIXème siècle et le Royaume de France s’est considérablement étendu à force de conquêtes et d’annexions des territoires européens. A la fin du XXème siècle, un équilibre entre trois forces régit le monde : il s’agit de la Triade qui comprend le Royaume de France, le Sultanat Ottoman et l’Empire du Japon. Une quatrième force existait encore vingt ans auparavant, Keltia mais elle a été annihilée.

… qui oppose radicalement deux sociétés…

Dans le roman, deux sociétés antinomiques s’opposent :

  • celle de la Triade. Bien que Yuri soit originaire de l’Empire du Japon, la société dans laquelle elle a grandi est relativement proche de celle du Royaume de France. Il s’agit d’une société inégalitaire dans laquelle le droit du sang prime sur le mérite : le pouvoir concentré entre les mains d’une seule personne est héréditaire (Monarchie) et une minorité, l’aristocratie, concentre la majorité des richesses et des privilèges. Les normes sociales sont également figées selon un protocole très stricte et laissent peu de place aux libertés individuelles et à la rébellion. Les Fleurs de lys, sorte de police royale, assure le maintien de l’ordre. Quant aux femmes, elles sont subordonnées aux hommes et ne peuvent pas décider de leur vie. C’est aussi une société qui pratique la discrimination car ceux qui ne respectent pas les normes sont mis au ban de la société.
  • celle des Rats dans laquelle Yuri trouve refuge après sa fuite. Cette société parallèle se trouve en dessous de la première, c’est à dire dans le réseau des égouts de Paris. Il s’agit d’une société égalitaire, tolérante, sans chef (même si le barde Taliesin ou Sir Edward de Longway font figures de référence) et démocratique. Les privilèges dus à la naissance sont abolis, seul compte le savoir-faire des individus et leur compétence. Les décisions majeures sont prises lors d’assemblées et à la majorité. Quant à la gestion de la logistique, tout le monde met la main à la pâte à tour de rôle, notamment pour les tâches subalternes.

pour mieux parler de sujets d’actualité.

Le roman est intéressant à plus d’un titre car il possède un double niveau de lecture. En effet, Morgan of Glencoe fait passer un certain nombre messages actuels :

  • Le récit se veut avant tout féministe. L’auteure défend le droit des femmes à choisir leur vie et offre au lecteur deux modèles : celui de Yuri qui a le courage de fuir le mariage arrangé par son père ou la capitaine de l’Orient Express qui exerce un métier soi-disant d’homme. De plus, elle dénonce les violences faites aux femmes que ce soit au sein de la société monarchique (le Roi de France bat régulièrement son épouse) ou de celle des égouts (la tentative de viol de Frédéric à l’encontre de Manon). Elle en profite également pour aborder le sujet du consentement notamment lors du procès qui s’ensuit.
  • L’auteure aborde aussi le thème de l’homosexualité à travers un personnage dont je garderai l’identité secrète pour ne pas spoiler le futur lecteur. Si l’homosexualité n’est pas autorisée au sein de la société monarchique, elle ne pose en revanche aucun problème dans la société des égouts et est tout à fait acceptée.
  • Dans cet univers, Humains et fées coexistent mais ces dernières sont considérées comme des animaux. Elles sont soit réduites en esclavage (au début du récit, une fée Selkie et une fée Aeling sont contraintes de s’affronter dans un duel à mort pour amuser les Humains), soit considérées comme des citoyennes de seconde zone et subissent une discrimination. Par exemple, dans le train de l’Orient Express, le médecin fée qui sauve Yuri d’un empoisonnement suscite  du rejet de la part du colonel Ryûzaki chargé de la protection de la princesse. Dans la société des égouts, Morgan of Glencoe exprime le concept du vivre ensemble selon lequel les fées sont égaux aux humains.

Toutefois, le roman présente quelques petits défauts. 

Malgré une écriture de qualité, un univers soigné et des personnages intéressants, j’ai relevé deux petits défauts qui m’ont un peu titillée :

  • La présence de textes en anglais non traduits. Pour ma part, cela ne m’a posé aucun problème car c’est une langue que je maîtrise. En revanche, je me mets à la place d’un lectorat non anglophone et je pense que quelques notes de bas de pages n’auraient pas été de trop.
  • Les deux sociétés antagoniques présentent un manichéisme un peu trop prononcé à mon goût.  En effet, j’ai eu le sentiment que la société monarchique était du côté des « méchants » et la société utopique des Rats du côté des « gentils ». Morgan of Glencoe a bien essayer de nuancer le tout, notamment par la condamnation à mort d’un personnage dans la société des égouts mais je n’ai pas trouvé cela suffisant.

En conclusion, j’ai adoré ma lecture! Bien qu’elle soit émaillée de quelques petits défauts sans gravité (anglais non traduit ou manichéisme un peu trop présent), les qualités du roman font que j’ai complètement adhéré à l’écriture fluide et l’univers uchronique de Morgan of Glencoe. Surtout, j’ai beaucoup apprécié le double niveau de lecture du récit qui met en exergue des valeurs que je partage (lutte pour le droit des femmes, contre l’homophobie ou le vivre ensemble). Bref, ce premier tome Dans l’ombre de Paris est une véritable réussite et je compte bien poursuivre avec le tome suivant.

Autres avis : 

Celindanae

Elhyandra

Les chroniques du chroniqueur

L’ours inculte

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