Une journée dans la Rome Antique d’Alberto Angela

Quatrième de couverture : 

Par une belle journée de l’an 115, un visiteur pas comme les autres sillonne la capitale d’un empire alors à son apogée. Il ne se contente pas de visiter les monuments de la Rome antique : il partage surtout le quotidien de ses habitants, du lever au coucher, dans de riches demeures comme dans de sinistres immeubles de rapport, au coeur des Forums impériaux et sur le marché aux esclaves, dans les gradins du Colisée et les bassins des thermes de Trajan, à la table d’une modeste taverne puis lors d’un somptueux banquet, et en bien d’autres lieux encore.
Ce visiteur c’est vous, avec pour guide un auteur passé maître dans l’art du docufiction sur papier. Caméra au poing, celui-ci vous confrontera à des situations et à des personnages aussi divers que l’historien Tacite face à son éditeur et un condamné face à un lion, vous faisant ainsi éprouver la civilisation romaine dans ce qu’elle a de raffiné et de cruel, d’insolite et de moderne.

Editeur : Payot

Nombre de pages : 352

Prix : 23,00€

Date de publication : 4 Mars 2020

Mon Avis : 

Après avoir découvert son précédent ouvrage Empire, un fabuleux voyage chez les Romains avec un sesterce en poche, je continue ma découverte de la trilogie romaine d’Alberto Angela avec Une journée dans Rome. Si j’avais eu un véritable coup de coeur pour Empire, il n’en a malheureusement pas été de même pour cet opus. Attention, Une journée dans la Rome Antique est un très bon ouvrage de vulgarisation, je ne dis pas le contraire mais je vous avoue que je suis restée parfois un peu sur ma faim lors de ma lecture.

Dans Une journée dans la Rome Antique, le principe est le même que dans Empire. Nous sommes en 115 après J.-C. sous le règne de Trajan mais cette fois au lieu que notre voyage s’étale sur deux ans et sur une large zone géographique, Alberto Angela s’est concentré sur la seule Ville de Rome et le temps d’une journée. Chaque chapitre suit donc un cheminement chronologique et l’ouvrage se découpe en plages horaires.
Le lecteur assiste donc au levé du Dominus (Le maître) dans la sa villa urbaine et de son épouse et voit les clients qui attendent sur le pas de sa porte pour obtenir leur sportule (un petit panier qui contenait soit de l’argent, soit de la nourriture et en échange, les clients accompagnaient le dominus dans ses déplacements). Puis, le lecteur déambule dans les rues encombrées et bruyantes de la ville de Rome, va au Forum, au marché, aux thermes, assiste à des spectacles à l’amphithéâtre, etc… Enfin, il reviendra le soir dans la villa du Dominus pour assister à son banquet et terminera sa journée en partageant son intimité. Bref, en vingt quatre heures, il aura un petit aperçu des différentes activités qui rythment une journée ordinaire des habitants de la Ville Éternelle. 

Un très bon ouvrage de vulgarisation…

Comme dans Empire, Alberto Angela adopte un ton très romanesque dans son ouvrage ce qui permet au lecteur de complètement s’immerger dans une ambiance propre à la Rome du IIème siècle. Dans le cadre de mes études, j’avais étudié les Épigrammes de Martial et les Satires de Juvénal dans lesquels les deux auteurs livrent de très nombreuses anecdotes sur la vie quotidienne dans la Ville Eternelle à peu près à la même époque (Ier siècle après J.-C. pour Martial et contemporain pour Juvénal). Et je peux vous dire que je retrouve bien là l’ambiance décrite par les deux poètes.
Plus d’un million de personnes vivent à Rome à cette époque : la ville est chaotique, encombrée, dangereuse et bruyante et Martial s’en insurge fréquemment dans ses vers. Il conviendra de faire attention aux pots de chambre qui tombent inopinément d’une fenêtre (ce qui est normalement interdit) ou de ne pas se retrouver seul dans les rues de Rome la nuit au risque de se faire tuer et dépouiller. Pour ceux qui n’ont pas la chance de vivre dans une villa (fort rare à Rome), les autres s’entassent dans des insulae (immeubles) pour la plupart délabrés et pour cette raison, les Romains vivent très peu chez eux. Ils mangent pour la plupart du temps dehors, sur le pouce dans des popinae (sorte de petits restaurants), vont au Forum pour se tenir au courant des dernières nouvelles ou assister à un procès éloquent, fréquentent les nouvelles thermes luxueuses de Trajan pour se laver et se détendre, assistent à des spectacles de combat de gladiateur à l’Amphithéâtre flavien (actuelle Colisée) ou à des courses de char au Circus Maximus (Grand Cirque), etc… Bref,  un bel aperçu des us et coutumes des Romains à cette époque. 

… mais qui possèdent à mon sens quelques défauts

Si Une journée dans la Rome Antique est un très bon ouvrage de vulgarisation, il possède un certain nombre de défauts (qui seront d’ailleurs corrigés dans Empire paru après) : 

  • Il manque un plan de la ville de Rome. Pour ma part, je connais bien la morphologie urbaine et la géographie de la Ville éternelle à cette époque pour l’avoir étudiée. Mais, pour un lecteur néophyte, il lui sera bien difficile de situer les différents quartiers de l’Esquilin, de l’Aventin ou même du Mont Testaccio sans cet outil. Or, Empire possédait une carte géographique de l’Empire Romain au tout début de l’ouvrage ce qui était vraiment un plus.
  • La bibliographie est rangée dans l’ordre alphabétique des auteurs. Je pinaille car je sais qu’il s’agit d’un ouvrage de vulgarisation mais une bibliographie rangée selon les sources antiques, les ouvrages généraux et les ouvrages et/ou articles spécialisés, cela fait plus rigoureux.
  • Il manque des notes pour expliciter certains faits ou les étayer en faisant référence soit à des sources, soit à des ouvrages. Empire possédait un certain nombre de notes en fin d’ouvrage (même si j’ai une préférence pour les notes de bas de pages, au moins, elles avaient le mérite d’exister).

… et a généré un certain nombre de questionnements de ma part.

En effet, j’ai eu un certain nombre de questionnements pendant ma lecture et j’aurais bien voulu approfondir ces sujets. Là encore, c’est de l’ordre du détail mais certaines informations sont assez inédites par rapport à mes connaissances et j’aurais voulu en savoir plus. D’ailleurs, si quelqu’un connaît les sources, je suis preneuse :

  • Il y aurait eu une évolution linguistique au niveau de la procréation du Latin. En effet, selon Alberto Angela, les Romains ne prononçaient plus le latin de la même manière entre le 1er siècle avant J.-C. à l’époque de Jules César qu’au IIème siècle après J.-C., sous le règne de Trajan.

Le latin que nous entendons est doux à notre oreille, mais il semble qu’un siècle et demi plus tôt, du temps de Jules César, il n’en allait pas ainsi. Alors que la jeune fille a prononcé  le mot cena (dîner, banquet) « tchéna », elle aurait émis jadis un c dur (« kéna »). (P. 129)

Pour ma part, j’ai toujours appris le latin avec la prononciation de l’époque de Jules César et je sais que cette dernière a pu être déterminée grâce à des fautes d’orthographe retrouvées dans des graffitis. Mais du coup, comment sait-on que la prononciation a évolué à deux siècle d’intervalle?

  • Les Romains ne comptaient pas de la même manière que nous les chiffres sur leurs mains. Vous trouverez ci-dessous la proposition d’Alberto Angela présente à la page 139 :

Comment en sommes-nous arrivés à cette conclusion? Grâce à des représentations artistiques? Des sources littéraires?

  • Dans les latrines, les Romains s’essuyaient au moyen d’une éponge (xylospongium) : jusque là tout va bien. Mais, pour ma part, j’avais appris qu’il n’y avait qu’une seule éponge partagée et qui était nettoyée à chaque utilisation au moyen de vinaigre, ce qui n’était pas très hygiénique, vous en conviendrez. Or, l’auteur parle plutôt d’éponges individuelles et jetables après chaque utilisation.

Au milieu de la salle, nous remarquons trois bassins emplis d’eau d’où sortent des bâtons de bois. L’homme allonge le bras et en saisit un. Une éponge est fixée au bout, à la manière d’une torche. Il glisse l’objet entre ses jambes et se sert de l’éponge comme papier hygiénique. (…) Après quoi, il frotte le bâton sur le bord interne du trou pour détacher l’éponge et la laisser tomber dans l’égout. Ensuite, il replace le bâton dans le bassin. (p. 219-220).

Pour ma part, je suis assez séduite par cette théorie car cela correspondrait davantage au pragmatisme romain mais j’aimerais connaître les sources.

  • Enfin, j’étais restée sur le fait que l’entrée aux Thermes coûtait un as pour tout le monde, homme et femme et qu’ensuite tout était compris dans le tarif. Or, d’après Alberto Angela, les femmes auraient payé plus cher que les hommes et certaines prestations à l’intérieur (vestiaire, massage, etc…) ne sont pas gratuites.

A l’entrée, nous remettons un quadrant à un employé pour la garde de nos vêtements (on a vu ce qui se passe quand on les laisse traîner). Il nous faudra débourser le double (soit 1/2 as) pour accéder aux bains, puis nous devrons remettre la main à la poche si nous voulons une serviette, et de nouveau si nous souhaitons un massage… Chose étonnante, les femmes paient plus cher que les hommes (un as pour pouvoir rentrer dans l’eau). Mais, peut-être ces derniers sont-ils favorisés du fait qu’ils viennent plus ouvert. Quant aux enfants, aux soldats et aux esclaves, ils entrent gratuitement. (p. 256)

En conclusion, Une journée dans la Rome Antique s’est avéré être un ouvrage passionnant et bien écrit. Il permet au lecteur néophyte de comprendre comment était rythmé une journée classique d’un Romain au IIème siècle après J.-C. Toutefois, l’ouvrage n’est pas exempt de défauts comme l’absence d’un plan de la ville de Rome, d’une bibliographie non rangée ou de l’absence de notes de bas de page. Mais, cet ouvrage a été l’occasion pour moi de questionnements qui est plus de l’ordre du détails (je sais, je pinaille un peu!) et j’aurais voulu en savoir plus. Malheureusement, en l’absence de notes de pages qui citent les sources, c’est un peu plus compliqué. Bref, je terminerai toutefois cette trilogie romaine avec le dernier opus : Trois jours à Pompéi.

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