La Trêve de Primo Levi

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Quatrième de couverture :

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, un groupe d’Italiens, rescapés des camps nazis, entame une marche de plusieurs mois :  » accompagnés  » par l’Armée Rouge, ils cherchent à rejoindre leur terre natale. Héros et traîtres, paysans et voleurs, savants et nomades se retrouvent pêle-mêle dans une réjouissante pagaille : autant d’hommes qui redécouvrent, émerveillés, la vie, le monde, la forêt, les filles, sans oublier l’art du trafic pour subsister… La Trêve est le récit picaresque et authentique de leurs tribulations extravagantes sur les routes d’Europe centrale. À travers la confrontation de deux peuples, Primo Levi révèle les ressources merveilleuses d’hommes qui se montrèrent à la hauteur de leur destin.

Editeur : Le Livre de Poche

Nombre de pages :

Prix : 5,90€

Mon Avis :

C’est un ami passionné par Primo Levi qui m’a offert ce livre. Il m’avait déjà conseillé au préalable, un autre de ses ouvrages les plus connus, Si c’est un homme. Je l’avais débuté mais je l’avais laissé inachevé.

En 1943, Primo Levi est arrêté par la milice fasciste pour des faits de résistance, dans le Val d’Aoste. Reconnu Juif italien, il sera détenu au camp de Fossoli, près de Modène avant d’être déporté au camp d’Auschwitz, en Pologne, à partir de février 1944, puis à Monowitz, un camp auxiliaire du premier. Son livre, Si c’est un homme rapporte les évènements liés à sa détention jusqu’à sa libération du camp par les Russes, en janvier 1945. La Trêve est donc la suite et raconte les longues pérégrinations de Primo Levi, à travers l’Europe avant son retour, à Turin, seulement en octobre 1945.

Lorsque les Russes libèrent les camps de concentration du Front Est, ils découvrent des prisonniers, ayant survécu à de terribles conditions de détention. Tous souffrent de la faim et du froid, beaucoup sont malades et ont besoin de soins. Primo Levi lui-même a contracté la scarlatine, à ce moment-là. De plus, à cause de la Guerre, l’Europe est en proie à la pénurie : les survivants des camps manquent alors de médicaments, de nourriture, de vêtements chauds ou de chaussures et les Russes peinent à les leur fournir. Les routes et les chemins de fer, quant à eux, ont subi de graves dommages ce qui retarde également leur retour dans leur pays d’origine. En vérité, les Russes ne savent pas vraiment quoi faire des anciens prisonniers d’où leurs tergiversations et leur décision de les rassembler dans le Nord, en Biélorussie. Ainsi, Primo Levi restera près de trois mois, dans le camp de Staryje Doroghi. Là, les conditions de vie sont encore très précaires. Tous doivent leur survie grâce au maigre ravitaillement des Russes ou à leur propre débrouille. Ce n’est qu’en septembre qu’un train est enfin affrété pour que les survivants puissent rentrer chez eux. Mais, la route est encore longue : Primo Levi passera donc par les frontières roumaine, hongroise, autrichienne et allemande avant de pouvoir retrouver son Italie natale, un mois plus tard.

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Avoir lu la Trêve après Si c’est un Homme n’est donc pas très logique car les faits se déroulent chronologiquement après. Cela ne m’a, néanmoins, pas gêné outre mesure car j’avais déjà lu des témoignages sur les conditions de détention dans des camps de concentration. En revanche, je ne connaissais strictement rien sur les conditions de retour des survivants.

Primo Levi a écrit La Trêve des années après son retour, en 1961-1962. Il possède donc une certaine distance par rapport aux évènements qui se sont déroulés, dix-sept ans plus tôt. Mais, je dois dire que j’ai adoré son style d’écriture d’une grande finesse : sa plume est constamment teintée d’humour et d’ironie. Il a le don de croquer ses compagnons de route en les rendant tantôt attachants, tantôt détestables mais toujours aussi profondément humains.

Le Grec avait changé d’humeur : peut-être avait-il un nouvel accès de fièvre ou, après les affaires satisfaisantes du matin, se sentait-il en vacances. Il se sentait même en veine de bienveillance pédagogique ; au fur et à mesure que les heures passaient, le ton de ses paroles se tempérait peu à peu et parallèlement le rapport qui nous unissait ne cessait de se modifier : de maître-enclave à midi, nous étions titulaire-salarié à une heure, maître-disciple à deux heures et aîné-cadet à trois. (P.54)

Le comptable Rovi ne devait son poste de chef de camp ni à des élections à la base, ni à une investiture russe mais à une autonomination. Bien que de qualités intellectuelles et morales plutôt indigentes, ils possédait dans une très large mesure la vertu, qui sous tous les cieux, est la plus nécessaire à la conquête du pouvoir, c’est à dire l’amour du pouvoir pour le pouvoir lui-même.
Assister au comportement d’un homme qui agit non selon la raison mais selon ses impulsions profondes est un spectacle d’un intérêt extrême, semblable à celui dont jouit le naturaliste qui étudie les activités d’un animal aux instincts complexes. (P.64)

Le témoignage de l’auteur est également très émouvant : en tant que lectrice, je n’ai pu m’empêcher de ressentir de l’empathie pour le narrateur, au travers des épreuves qu’il a dû surmonter pour enfin retourner en Italie. Mais, je dois bien avouer que le récit de Primo Levi m’a aussi fait sourire de nombreuses fois car l’auteur n’hésite pas non plus à s’accorder la part belle. En effet, s’il apparaît honnête et intègre au regard de ses camarades, ces derniers peu scrupuleux mais débrouillards, sont beaucoup plus versés dans les combines de vol ou d’escroquerie pour survivre. Je pense ainsi au Grec, Mordo Nahum ou son compatriote Cesare.

En conclusion, La Trêve de Primo Levi est un récit aussi poignant que teinté d’humour. Il est intéressant dans le sens où peu de témoignage sur cette période ne relate les difficiles conditions de retour des survivants dans leur pays d’origine. La plupart s’achève avec la libération des camps comme son ouvrage précédent, Si c’est un homme. Ayant adoré le style d’écriture de l’auteur, je n’hésiterai donc plus à me tourner vers son récit le plus fameux.

Note 5/5

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