Mata Hari d’Esther Gil et Laurent Paturaud

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Quatrième de couverture : 

Par un matin d’octobre 1917, en pleine Première Guerre mondiale, Mata Hari, convaincue d’intelligence avec l’Allemagne, est condamnée à mort par l’armée française. Celle qui ensorcela le Tout-Paris de la Belle Epoque avec son célèbre numéro d’effeuillage sur des danses orientales était-elle réellement coupable ? A-t-elle vraiment été un agent double ou a-t-elle servi de bouc émissaire aux services secrets français ?

Editeur : Daniel Maghen

Nombre de pages : 78

Prix : 16,00€

Date de publication : 19 Septembre 2019

Mon Avis :

C’est en cherchant des informations sur le second tome de Gagner la Guerre que je suis complètement tombée par hasard sur la magnifique couverture inspirée de l’Art Nouveau de Mata Hari. Je ne sais pas pourquoi mais je ne m’étais jamais vraiment intéressée à ce personnage et en me documentant pour cette chronique j’ai découvert une personnalité vraiment hors-norme et attachante parfaitement dépeinte dans ce one shot dessiné par Laurent Paturaud et scénarisé par Esther Gil.

15 Octobre 1917, au Château de Vincennes, la célèbre danseuse de la Belle Époque Mata Hari s’apprête à être fusillée de douze balles. Reconnue coupable d’intelligence avec l’ennemi dans le contexte de la Première Guerre Mondiale, elle refuse le bandeau prête à affronter la mort.
Juin 1897, celle qui n’était pas encore Mata Hari se prénommait Margaretha Geertruida Zelle et avait à peine vingt lorsqu’elle se maria avec le capitaine Rudolf MacLeod. Tous les deux partirent dans la colonie néerlandaise sur l’île de Java, au sud de l’Inde. Mais l’officier dont elle est tombée amoureuse s’avère finalement être violent et alcoolique. La jeune femme se réfugie alors dans l’apprentissage de la danse traditionnelle brahmanique et semble avoir désormais trouver sa voie…

Une vie des plus trépidantes!

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Éprise d’aventure et de liberté, Margaretha Geertruida Zelle a eu trois vies :

  • L’épouse d’un officier : ayant perdu ses parents très tôt aux Pays-Bas, Margaretha se marie à dix neuf ans avec le capitaine MacLeod en répondant à une petite annonce sur le journal. Au tout début, le mariage est heureux et deux enfants naîtront de cette union. Le couple part pour les Indes néerlandaises où le capitaine rejoint la garnison de l’île de Java. Mais, la personnalité de son mari change : violent et alcoolique, Margaretha fait souvent les frais de sa colère. Elle se réfugie alors dans les danses traditionnelles brahmaniques qu’elle pratique. Un évènement va toutefois précipiter la séparation du couple : son fils et sa fille tombent malades et son aîné meurt. Le capitaine accuse sa femme d’avoir été négligente. C’en est trop pour Margaretha, elle réclame le divorce et rentre en Europe.
  • La cocotte et danseuse : en 1905, Margaretha tente sa chance à Paris. Sur un coup de bluff, elle utilise ses dernières économies pour s’acheter une élégante toilette et s’installe dans un hôtel luxueux de la capitale. Elle ne tarde pas à attirer les regards de la gent masculine et devient une cocotte, sorte de courtisane. Une rencontre toutefois va s’avérer décisive puisqu’au cours d’une réception mondaine, elle fait la rencontre du célèbre Émile Guimet qui a ouvert un musée consacré aux arts orientales. Il lui propose alors de danser lors d’une représentation. Le succès est immédiat, Margaretha prend le nom de scène de Mata Hari qui signifie « l’oeil du jour » en javanais et entame une tournée européenne.
  • L’espionne : quelques années plus tard, Mata Hari a mis sa carrière entre parenthèse pour suivre son amant allemand Alfred Kiepert. Mais après s’être séparée de lui, le retour à la vie mondaine est difficile : la jeune femme est passée de mode et d’autres concurrentes ont pris sa place pendant son escapade. Le nom de Mata Hari ne fait plus fureur. Pire, en 1914, la Guerre entre la France et l’Allemagne est déclarée : l’heure n’est plus aux cocottes. La jeune femme est alors à Berlin lorsque une proposition des plus incongrues lui est faite : étant donné qu’elle parle plusieurs langues et qu’elle connaît quelques grands noms au sommet de l’état français, le consul Carl Kramer lui propose de devenir espionne. Mata Hari devient l’agent H21…

Un portrait nuancé

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Le moins que l’on puisse dire, c’est que le personnage de Mata Hari est des plus humains : elle agace autant qu’elle séduit! Et le fabuleux travail de documentation de la bande dessinée retranscrit très bien sa personnalité. De plus, une dizaine de pages à la fin de l’ouvrage permet également de mieux cerner sa personnalité mais aussi d’expliciter le contexte historique.

  • Une femme libre éprise d’aventure : Margaretha pensait trouver une vie aventureuse avec son premier mari officier dans l’armée et envoyé pour une destination exotique, les Indes néerlandaises. Mais, la jeune femme éprise de liberté sera bien vite déçue. Retrouvant son indépendance par le divorce, elle devient artiste et cocotte dans le Paris de la Belle Époque. Elle enchaîne alors les amants : si sa vie pouvait paraître scandaleuse à l’époque, elle s’affranchit autant des contraintes sociales (ses relations charnelles sont hors mariage) que des frontières en se produisant sur toutes les scènes d’Europe. Ce nouveau mode de vie cosmopolite lui procure également une indépendance financière.
  • …mythomane… : Margaretha a eu pour modèle son père simple négociant qui a fait fortune en tenant une boutique de chapeaux aux Pays-Bas, il s’est inventé une vie de baron et a élevé sa fille comme une princesse! Rien d’étonnant donc que la jeune femme devenue artiste à Paris ne s’invente mille vies prestigieuses! Elle n’hésite pas à mentir aux journalistes qui lui posent des questions changeant même plusieurs fois de versions ! Racontant à qui voulait l’entendre ses filiations prestigieuses, elle était soit la fille d’une danseuse d’un temple indien soit la descendante d’un sultan de Java!
  • …naïve et vénale : lorsque la Guerre éclate, Mata Hari ne se rend pas compte que le monde autour d’elle a changé et que le temps de la Belle Époque est révolu. Ses déplacements en Europe, sa fréquentation des hommes de la Haute Société la rendent suspectes auprès des Français et des Anglais. Et à juste titre, puisqu’elle devient espionne pour l’Allemagne (elle va accepter de leur part 20000 Francs) avant de travailler pour la France (qui lui promet 1 million de Francs!). Malheureusement, en 1917, la Guerre s’enlise et la République a besoin de coupables (les déserteurs et les espions) pour remonter le moral sapé des troupes. C’est dans ce contexte-là que Mata Hari va être sacrifiée!

Des dessins magnifiques au service de l’histoire

Les dessins de Laurent Paturaud outre leur qualité esthétique indéniable, retranscrivent également bien les trois vies de Mata Hari grâce à un code de couleurs : les Indes néerlandaises sont symbolisées par le vert et le orange, la Belle Époque par le rouge et l’or et la Première Guerre Mondiale par le gris et le bleu.

De plus, les costumes de cette époque sont parfaitement bien reconstitués notamment pour les représentations de Mata Hari en danseuse brahmanique. Le dessinateur a probablement dû s’appuyer sur des photos d’archives existantes :

En conclusion, Esther Gil et Laurent Paturaud livre dans ce one-shot bien documenté un portrait nuancé de Mata Hari ce qui la rend d’autant plus humaine : souhaitant vivre une vie de femme libre et aventureuse à la Belle Époque, finalement la société de la Première Guerre va vite la rattraper et en faire une coupable idéale à cause de ses mensonges et de sa vénalité. Bref, une superbe bande dessinée que je recommande.

Si vous souhaitez en savoir plus sur Mata Hari, je vous conseille la vidéo très intéressante ci-dessous :

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